La Marche de l'Ours

« Hier soir, le village s’est réuni sur la colline. Certains Ottawas croient savoir pourquoi les ours attaquent. — Et pourquoi donc ? — La marche de l’ours. L’esprit d’un homme quitte son corps pour s’emparer du corps d’un animal. En habitant le corps de la bête, il peut l’utiliser comme bon lui semble. S’il s’agit d’une chouette, il peut voler ; d’un poisson, il peut nager. — Et s’il s’agit d’un ours, il peut tuer, dit Axel. — Exactement. Nous appelons cela la marche de l’ours. La légende affirme que c’est déjà arrivé, il y a longtemps. Un Indien nommé Shawonabe, dont les légendes ont fait la personnification du mal, habitait les ours et a anéanti toute une tribu. » Axel faisait de son mieux pour dissimuler ses sentiments. À son avis, il n’était plus possible, au vingtième siècle, de croire à ces légendes. « Où est Shawonabe ? Qu’est-il devenu ? — Il est mort depuis deux siècles. On a enfermé son âme dans une prison et on l’a enterré loin du village, loin du lac, loin de tout endroit fréquenté. — Mais alors, ce ne peut être lui. — Non ce n’est pas lui, dit Moozganse. — Alors qui ? — Un serviteur. Il a besoin d’un serviteur pour perpétrer ses crimes à sa place. Quelqu’un de son sang, quelqu’un dont les yeux luisent comme des braises la nuit.”